Toutes les licences de jeu vidéos recèlent des secrets ou des anecdotes de développement : budget, ressources humaines, projets avortés, fonctionnalités cachées/abandonnées … Guild Wars n'échappe pas à la règle et l'une des anecdotes les plus intéressantes se trouve être la campagne abandonnée : Guild Wars Utopia [1]. Initialement prévue pour 2007, elle devait se dérouler dans un des lieux les plus mystérieux de cet univers : les Brumes, et apporter son lot de nouvelles fonctionnalités ainsi que de nouvelles clés de compréhension de l'histoire de la Tyrie [1:1].
I - Contexte
Comme toujours, avant de rentrer dans le fond du sujet, il convient de poser le contexte de développement d'un tel projet. Guild Wars Prophecies [2] le premier de la saga sort en avril 2005, à une époque ou le genre du MMORPG [3] (Massively Multiplayer Online Role Play Game) pulule. Outre le Mastodonte Worlds of Warcraft [4] sorti en 2004, d'autres virent le jour au tournant des années 2000's comme Dofus (2004) [5], RunesScape [6] (2001), ou encore Aion, The Tower of Eternity (2008) [7]. Guild Wars Prophecies sera complété dès 2006 de deux épisodes standalone [8], Guild Wars Factions [9] et Nightfall [10] respectivement en avril et octobre 2006, avant d'être enrichis en 2007 par la première extension de la licence : Guild Wars Eye of the North [11].
Dès l'origine, cette licence fit figure d'ovni sur le marché. En effet, elle diffère (aujourd'hui encore) de ses concurrents sur plusieurs points.
Premièrement, son modèle économique, là ou une majorité de jeux de la décennie 2000 nécessitait un abonnement mensuel, pour jouer à Guild Wars, seul l'achat initial du jeu suffisait. Pour que cette politique soit supportable par le studio, il s’engageait à livrer un chapitre tous les six mois environs.
Deuxièmement, son approche différente du jeu en équipe, puisque seules les villes et les avant-postes permettaient de rencontrer des joueurs, les zones contenant des monstres étaient instanciées.
Enfin, un contenu axé sur le Joueur contre joueur (JcJ ou PvP) [12] ou la partie PvE (ou JcE) [13] servait initialement de tutoriel au jeu compétitif [14] poussant ses développeurs à le qualifier de CORPG (Competitive Online Role Play Game) [15]. Cet aspect sera moins mis en avant à partir de 2006 et la sortie de Nightfall afin de se concentrer sur le scénario ; développer un récit dont la trame connaît son paroxysme avec la révélation du véritable antagoniste, à l'origine des méchants des opus précédents : Abaddon [16][17][18].
II - Genèse et découverte du projet Utopia
La communauté internet n'est pas réputé pour sa patience, et attendre six mois (ou plus) entre chaque opus peut être long. Ainsi, sur le site Photics.com [19], nous pouvons retrouver le récit d’un certain Michael Garofalo, un joueur curieux.
Nous sommes en 2006, quatre mois après avant l’échéance de sortie de la quatrième campagne de Guild Wars, et la communauté commence à s’impatienter de n’avoir aucune information à ce sujet.
Cette personne, avide d’informations, eut l’idée de rechercher au moins le nom du futur chapitre… en allant chercher au sein des noms de domaine, en effet, chaque standalone possèdant le sien : guildwarsprophecies.com [20], guildwarsfactions.com [21], guildwarsnightfall.com [22]. C’est ainsi qu’il trouva guildwarsutopia.com ! (Hélas, les liens n'existent plus aujourd'hui, vous ne pouvez plus y accéder).
Bien entendu, l’information circula rapidement, et fut relayée par des revues spécialisées de l’époque [23], mais sans plus de précisions de la part du studio. Ce n’est qu’en mai 2007 que l’entreprise rompit le silence et s’exprima dans un article d’une dizaine de page dans le numéro 161 du magazine PC Gamer [24]. S’y exprimèrent, entre autre les co-fondateurs d’ArenaNet Mike O’Brien [25], Jeff Strain [26] ainsi que les Game Designers Ben Miller [27] et Eric Flannum [28]. Ils y annoncèrent la nouvelle : le quatrième opus de Guild Wars, Utopia ne verra pas le jour. Ils pointèrent du doigt certaines des raisons de cet abandon :
“Nous nous sommes assis pour discuter de ce qui allait être inclus dans la 4ème campagne et nous avons réalisé que nous ne pouvions pas faire tout ce que nous voulions. Pourquoi ? En partie parce que nous aurions besoin de plus de temps, que six mois, et en partie parce que certaines idées ne fonctionneraient pas bien avec ce que nous avions fait auparavant.”
- Eric Flannum
"Et plus nous en parlions, plus nous étions enthousiastes à propos de ce que nous pourrions accomplir."
- Jeff Strain
"À chaque nouvelle campagne, nous avons essayé d'introduire des mécaniques entièrement nouvelles qui modifient la façon dont le jeu se joue. Cela a conduit à la nécessité de tutoriels de plus en plus longs pour expliquer ces nouvelles mécaniques, rendant ainsi l'expérience de début de chaque campagne beaucoup plus lourde. Et comme chaque nouvelle campagne visait à attirer de nouveaux joueurs — nécessitant donc des tutoriels toujours plus grands — tout en cherchant à offrir du contenu aux anciens joueurs, la liste des compétences n'a cessé de s'allonger."
- Eric Flannum
"Nous luttons contre la complexité. Nous ne voulons pas créer des jeux compliqués. Nous voulons créer des jeux amusants, faciles à comprendre et accessibles, sans une surcharge de complexité dès le début."
- Jeff Strain
De plus, une retranscription d’une interview donnée par Mike Zadorojny [1:2][29] nous apprend qu’un autre facteur fut important dans la décision d’annuler Utopia, les limites techniques du moteur du jeu :
« La fonctionnalité principale d'Utopia était de donner aux joueurs des choix sous forme de quêtes et d'avoir des conséquences sur les choix collectifs de la communauté. Imaginez une histoire qui se ramifie toutes les deux semaines/deux mois en fonction du nombre total de quêtes accomplies. À quel groupe de personnes avez-vous choisi d'apporter votre aide ? (Avez-vous concentré vos efforts sur l'hôpital ou l'orphelinat ?)
Pendant que nous développions l'histoire et les personnages associés, nous avons commencé à jouer de plus en plus avec la technologie du jeu. Nous en sommes arrivés à nous interroger sur des aspects fondamentaux de Guild Wars dans son ensemble. Je pense que le tournant décisif a eu lieu lorsque nous avons créé un prototype pour quelque chose comme Shaemoor, une carte persistante avec plus de 50 personnes courant (et sautant) partout. Comme Joe l'a mentionné, une partie du code de base s'est articulée autour des instances, contenu JcE essentiel, et à mesure que nous avons essayé de briser ce modèle, les obstacles techniques sont devenus plus importants.
Je sais que les programmeurs du moteur cherchaient également à repousser les limites de la qualité des ressources que nous créions, mais je ne me souviens plus précisément de ce qui se passait. Au final, ce n'est pas une idée unique qui nous a poussés à changer d'avis, mais suffisamment de choses ont émergé pour que nous décidions que nos efforts seraient mieux investis dans l'intégration de nos conceptions à un nouveau jeu. »
- Mike Zadorojny
Ainsi, le jeu était devenu trop complexe, avec un équilibrage faillible, ne permettant pas de nouvelles mécaniques, notamment concernant les instances et les mondes persistants. De nouveaux concepts germaient dans l’esprit du staff d’ArenaNet, mais leur propre œuvre avait érigé des barrières techniques à leur créativité. C’est vraisemblablement à cette période qu’ils prirent la décision de développer quelque chose de neuf, un nouveau jeu. Ce jeu, ce serait Guild Wars 2 [30].
Toutefois, cela ne s’achèverait pas ainsi pour Guild Wars. En 2007 fut mise en ligne la première extension de l’histoire de la licence : Guild Wars : Eye of the North [11:1]. Proposant une nouvelle histoire exclusive, elle serait chargée de faire le pont entre GW1 et GW2 en introduisant les principaux éléments faisant le succès de son successeur : les futures races jouables que sont les Asuras [31], les Norns [32] les Charrs [33] les humains [34] et les futurs sylvaris [35], le début de l’intrigue des Dragons ancestraux [36] liste non exhaustive (…)
III - Fonctionnalités connues
Avant d’aller plus loin, il est important de préciser que tous les éléments qui suivent n’ont dépassés le stade du projet, et sont donc par essence incomplets. En conséquence, beaucoup d’éléments n’ont pas été développés à un stade suffisant pour faire l’objet d’une mention et/ou d’une explication. Les descriptions et les concepts sont donc assez succinct(es) et les sources d’informations sont limitées.
De ce que l’on en sait, Guild Wars Utopia devait apporter trois principales fonctionnalités :
La première concernait les quêtes communautaires [1:3]. Des missions proposées à la communauté à intervalles réguliers et qui, si les joueurs étaient suffisamment nombreux à les compléter, auraient eu des conséquences sur l’histoire, la carte ou peut-être l’accès à certains lieux/ressources. Nous en savons peu sur ce projet, si ce n’est qu’il a été partiellement repris dans le concept de Monde vivant [37] de Guild Wars 2.
La seconde concernait un concept inédit jusqu’à présent pour la licence, celui des zones persistantes [38]. Dans Guild Wars, la taille du groupe oscillait entre 8 et 12 joueurs maximum (pour des zones comme Urgoz [39] ou l’Abîme [40]). Toutefois, il semblerait que le studio avait en tête des cartes pouvant accueillir une bonne cinquantaine de joueurs, sautant, courant et lançant des compétences simultanément, en plus de la gestion des ennemis et leur comportement. Il est évident qu’un tel projet se heurta aux limites techniques du moteur du jeu. Hélas, rien de plus concret n’est parvenu jusqu’à nous, si ce n’est le nom de l’une de l’une de ces zones d'essai : Shaemoor [1:4].
Enfin, comme à chaque nouvelle campagne, devaient s’ajouter deux nouvelles professions aux 10 existantes. Prophecies permettait la création des professions d’origine : Moine [41], Guerrier [42], Elémentaliste [43], Envoûteur [44] Rôdeur [45] et Nécromant [46]. Factions autorisait la création de l’Assassin [47] et du Ritualiste [48]. Nightfall offrait la possibilité d’incarner un Parangon [49] ou un Derviche [50]. Utopia quant à lui, aurait dû donner le choix aux joueurs d’exploiter un Chronomancien [51] ou un Invocateur [1:5].
Une fois de plus, nous en savons très peu sur ces deux classes, ni même si les noms étaient définitifs (Figure.1).
« Il y a eu une version de l’Invocateur qui reposait sur un cycle rapide de ses créatures invoquées. Contrairement aux Nécromanciens, qui cherchent à maintenir leur troupe de serviteurs en vie, les Invocateurs auraient utilisé ou combiné leurs invocations pour faire apparaître des versions plus puissantes ou alternatives en fonction de la situation. »
« Une mécanique du Chronomancien qui a atteint le stade du prototype impliquait des sorts avec un temps d’incantation très long, mais accompagnés de compétences instantanées permettant de modifier l’effet du sort pendant son incantation. Par exemple, un sort de 4 secondes aurait pu être lancé, puis modifié en cours d’incantation grâce à une seconde compétence avant son activation. »
« Je ne crois pas que nous ayons vraiment développé l'histoire des classes d'Utopia. La plupart des éléments étaient encore au stade de la conception préliminaire lorsque nous avons abandonné le projet. Je ne me souviens pas que nous ayons jamais vraiment envisagé d'autres classes que l'Invocateur et le Chronomancien. »
Figure 1
IV - Fragments d'histoire
Mais finalement, Guild Wars Utopia, à quoi cela aurait dû ressembler ? Et sait-on au moins ce que le scénario voulait raconter ?
A l’image du projet, les données concernant ce thème sont très fragmentaires et parfois contradictoires. Toutefois, certains éléments récurrents que l’on peut trouver sur le wiki [1:8], dans l’Artbook officiel des vingt ans de la licence [54][55] et des Concept arts trouvés dans le portfolio du génial Daniel Dociu [56] suggèrent une trame historique en rapport avec les Brumes et une identité visuelle inspirée des cultures mésoaméricaines sur lesquelles nous reviendront :
« Cachée dans un royaume perdu des Brumes, une île mystérieuse aurait autrefois servi de sanctuaire aussi bien aux Anciens Dieux qu'aux nouveaux. L'île de Xotecha est une lueur pâle dans l'épais brouillard de l'au-delà, un phare guidant le passage des esprits des héros issus de mondes innombrables et de lignes temporelles infinies. Une grande force menaça jadis Xotecha, éteignant lentement la lumière des Anciens Dieux, mais elle fut vaincue par la puissance montante de leurs successeurs. On dit que les huit tablettes du Codex du Schisme racontaient l’histoire de cet événement, bien qu’elles soient aussi perdues dans le temps que l’île elle-même—une fable rapportée aujourd’hui par le peuple de la Tyrie, flottant quelque part dans le royaume des morts. »
Cette description, introduit quelques-uns des fragments narratifs que l’on sait à peu près confirmés sur Utopia. Cette nouvelle aventure devait se dérouler dans les Brumes [57][58] une sorte de « multivers » composant les « briques » de la Tyrie et de tous les autres mondes et/ou réalités alternatives. C’est le « lieu » (si tant est que ce mot ait un sens dans les Brumes) duquel proviennent les Dieux [59] et leurs protégés les humains [34:1] avant leur arrivée en Tyrie [60].
C’est bien d’eux dont il aurait été question, puisque les sources écrites mentionnent un lieu particulier nommé Xotecha [61] une île « flottant » dans les Brumes qui aurait été le foyer du panthéon des Dieux humains d’alors (composé de Dwayna [62] , Balthazar [63], Melandru [64], Lyssa [65] et Abaddon [66], voir peut-être Dhuum [67] mais c’est sujet à interprétation). Cette section des Brumes devait aussi introduire les « Old Gods » [68] les « Anciens dieux », les prédécesseurs du panthéon tyrien actuel. Bien que quasiment rien ne soit connu sur eux, si ce n’est leur antériorité, nous savons toutefois qu’une partie de leur histoire était inscrite sur les huit tablettes du Codex du Schisme [69], considérées comme perdue à l’époque ou devait se dérouler Utopia [68:1][69:1][54:2]. De plus, le développement d’un panthéon étendu aurait peut-être pu permettre d’éclaircir certains des mystères de la mythologie comme l’existence du « Père de Dwayna » [68:2], ou celle d’Arachnia [68:3][69:2][70][71] une vieille divinité. Cette dernière, connue d’après certaines descriptions tirées du .dat [72][73][74] et des dialogues de l’Apostat [75], pourrait être le prédécesseur d’Abaddon et le premier occupant du Royaume du Tourment [76] Figure 2.
Figure 2
Toujours est-il qu’à un moment donné de leur histoire, les Dieux (les anciens et les nouveaux ?) quittèrent Xotecha, sans doute pour aller en Tyrie amenant avec eux une partie du peuple humain. D’après les Parchemins d’histoire orrienne [60:1], C’est Dwayna, la dirigeante du Panthéon qui foula pour la première fois le sol de Tyrie, quelque part dans ce qui deviendrait le Royaume d’Orr [77][78]. Le devenir des « anciens dieux » est inconnu. Bien que nous en ignorions les modalités exactes, il semble qu’une partie de la population de Xotecha ait fait le choix de rester, se développant par elle-même après le départ de ses dirigeants.
Nous ignorons les raisons de leur départ, mais selon le Codex du schisme, il est possible qu’il soit dû aux Tanneks [1:9]. Ces créatures, invoquées par une entité inconnue il y a des éons sur Xotecha, entrèrent en conflit avec les Dieux et furent vaincues/repoussées à une date indéterminée. Pour se défendre, les Dieux auraient des Golems, restés actifs après leur départ pour continuer à protéger Xotecha contre toute menace, y compris un éventuel retour des Tanneks.
D’après The Complete art of Guild Wars, Arenanet 20th Anniversary Edition, les déesses Dwayna et Melandru laissèrent en guise de précaution supplémentaire les Enfants des Oubliés (Figure 3) les « descendants d’énormes serpents ailés qui protégeaient la Tyrie il y a longtemps... » (p* 100-101) avec pour ordre de protéger les habitants restés sur Xotecha.
Figure 3
Bien entendu, ces habitants (desquels nous ne savons pas grand-chose non plus) avaient aussi les moyens de combattre eux-mêmes. Ils disposaient d’une garde d’élite, la Garde de l’Aigle les protecteurs de Xotecha, voyageant et protégeant ses habitants autant que possible.
Géographiquement, l’île de Xotecha dont la taille ou la forme précise n’est pas connue, abrite d’après les quelques concept arts sur le sujet des biomes variés (Figure 4):
« Chaque recoin de Xotecha est empreint de mystère. Au cœur de l'île, une cité antique veille sur tout ce qui la traverse, et le temps est rythmé par une grande roue en son centre. Au-delà des portes de la cité, la surface de l'île est couverte de collines ondulantes et de jungles verdoyantes, de temples divins et de domaines abandonnés. Des champs de bataille maudits rappellent solennellement les guerres saintes passées et préfigurent ce qui pourrait être et à venir. Des cavernes souterraines se trouvent sous la terre luxuriante, chacune imprégnée de l'un des pouvoirs élémentaires des dieux. »
- The Complete art of Guild Wars, Arenanet 20th Anniversary Edition : 101
Figure 4
La capitale, Xotecha, située au centre de l’île, porte le même nom. Elle semble accueillir les habitants actuels, des âmes défuntes issues de plusieurs temporalités. Nous ignorons les raisons exactes, mais il aurait été possible de croiser en ville et dans les différents villages parsemant le pays, des héros de légende, morts dans de glorieuses batailles, des êtres importants, du passé, du présent et même de l’avenir, piégés sur les rivages de cette île mystérieuse. Guild Wars Utopia s’apprêtait à ouvrir tout un pan du lore et de la cosmogonie de l’univers de la licence.
V - Références réelles
Toutes les régions exploitées pour les différentes campagnes ont été construites sur un socle de références culturelles réelles. Architectures, noms propres, normes sociétales, modes de gouvernement (...) toutes ont en commun de renvoyer à des périodes, des lieux ou des objets de notre propre histoire réelle.
La région d’Ascalon [79] ressemble à l’Europe médiévale [80], la Kryte [81] (durant prophecies) suggère des influences amérindiennes et/ou européennes, Orr [77:1][81:1] est un mélange entre cultures arabo-musulmane [78:1] et le mythe grec de l’Atlantide[82]. Cantha [83] est inspiré de civilisations asiatiques comme la Chine, le Japon ou la Corée. Le continent élonien [84] quant à lui s’inspire de différentes zones d’Afrique du nord (Maroc, Egypte…) et subsahariennes (Mali, Congo, Éthiopie…)[85][86]. Guild Wars Utopia n’échappe pas à la règle et devait explorer les cultures précolombiennes de mésoamérique, particulièrement les civilisations maya [87] et aztèque [88] (Mexicas de son vrai nom).
Les concept arts présents dans l’artbook des 20 ans de la licence, illustrent les recherches ayant pu être effectuées pour les environnements, les architectures et les accessoires d’Utopia, dont certains ont été réutilisés pour le développement de Guild Wars : Eye of the North. De fait, une partie du contenu de l’extension utilise probablement des éléments originellement conçus pour la quatrième campagne. Le contenu qui suit n’a pas forcément vocation à être exhaustif mais cherche à présenter les principales sources d’inspirations et les quelques visuels de ce projet avorté.
Certains noms du bestiaire sont à consonances Nahuatl (nom générique donné à un groupe de langue parlés depuis plus de 5000 ans, respectivement par le peuple aztèque et leurs ancêtres) [89][90], sur un territoire s’étirant du sud des Etats-unis actuels, le Mexique et l’extrême nord de l’Amérique du sud (Vénézuela et Colombie actuelle) (Figure.5).
Ainsi, certaines tribus hyleks [91] présentes sur la Côte ternie [92] (Gokir, Agari et Ophil) portent des noms renvoyant à de véritables mots Nahuatl (Nahualli = sorcier, tlamatini = sage/humble, Amini = “celui qui chasse”, Cuicani = celui qui chante…)[93][94][95][96].
Paradoxalement, le nom “Xotecha”, peut-être le plus important de tout notre récit, puisqu’il désigne la Capitale et l’île où devait se dérouler l’intrigue, ne semble pas renvoyer à un mot ou à un concept identifiable.
« La Garde de l’Aigle » (Figure 6) Les protecteurs de Xotecha sont une référence directe aux guerriers aigle [97] (Figure 7) une unité d’élite de l’armée aztèque, décrite par les espagnols à partir du XVIe siècle, notamment dans le Codex de Florence [98] rédigé par le missionnaire franciscain Bernardino de Sahagún [99] entre 1558 et 1577. (un codex est un assemblage de pages et/ou de feuillet rédigé en deux ou trois langues : Nahuatl, latin et parfois en espagnol. Dans ce contexte, ils représentent une inestimable source d’information sur les sociétés de cette région du monde avant l’arrivée des colons). Les guerriers aigles, étaient reconnaissables à leur coiffe à plumes et représentaient avec les guerriers jaguars [100] (Figure 8) la caste guerrière de la société aztèque et étaient autant des soldats que des chasseurs.
Figure 6
Figure 7
Figure 8
L’apparence de certaines armes, bien qu’à l’état de croquis sont quant à elles des renvois directs à la mythologie et au mode de vie de cet endroit :
Cette masse à tête de serpent (Figure 9) est une copie presque conforme d’un ornement du temple de la Citadelle de Teotihuacan (ou Temple du Serpent à plumes) [101] (Figure 10) (Une cité de la sphère d'influence maya située au sud du Mexique actuel) et représentant Quetzalcoatl [102], une importante divinité du panthéon et de la cosmogonie mésoaméricaine).
Figure 9
Figure 10
Les armes représentées ici (Figure 9) sont quant à elles inspirées des Macuahuitl [103] (Figure 10) des sortes de gourdins équipés de lames en obsidienne, redoutables au corps à corps puisqu’à la fois contondantes et tranchantes. Elles équipaient l’infanterie des différentes armées de mésoamérique avant l’arrivée des européens sur le continent.
Figure 10
L’architecture n’est pas en reste, puisqu’une figure est souvent présente dans les représentations et les concepts attribués à Guild Wars Utopia, la pyramide à degrés. Cette structure emblématique est devenue le symbole des cultures préhispaniques puisqu’on en rencontre sur la majorité des sites de la région. C’est notamment le cas à Tenochtitlan [104], à Teotihuacan [101:1] , Palenque [105] ou encore Chichen Itzà [106] (Figure 13).
Figure 13
Ces structures, comme pas mal de visuels initialement conçus pour Utopia ont vraisemblablement été réutilisés dans Gw:en. On en trouve des itérations à de nombreux endroits de la Côte ternie, correspondant à l’aire culturelle asura au moment de leur remontée vers la surface vers 1078 Ap.E. [107] On en trouve par exemple à Rata Sum [108], à la Pierre des mages (Figure 14) [109] ou encore à la Baie d’Arbor [110] (Figure 15), accompagnées d’autres structures, comme les cubes flottants, dont le lien avec les quelques images attribuées à Utopia ne semblent guère faire de doute (Figure 16).
Figure 14
Figure 15
Figure 16
Enfin, un dernier élément se doit d’être pris en compte, c’est l’iconographie. A l’image des campagnes précédentes, un certain nombre de constructions ont été décorées de symboles ou d’images tirés d’alphabets ou de figures provenant du répertoire mythologique de civilisations humaines réelles. C’est par exemple le cas des voiles de certains navires éloniens (Figure 17), des sanctuaires de résurrection (Figure 18) et des façades de bâtiments dans le Désert de cristal et la Désolation (Figure 19) comportant des signes hiéroglyphiques [111] et/ou des figures mythologiques égyptiennes. Ou encore des architectures ascaloniennes (Figure 20) sur lesquelles étaient gravées des lettres inspirées de l’alphabet phénicien [112][82:1].
Figure 17
Figure 18
Figure 19
Figure 20
Ainsi, les concepts arts de Guild Wars Utopia et par extension Eye of the North se sont vus dotés de structures comportant des figures arborant un style directement inspiré de l’iconographie des stèles et murs des temples préhispaniques (comme le motif Xicalcoliuhqui [113], un entrelac de formes angulaires, fréquemment employé dans les bas-reliefs architecturaux de l’actuelle région de Mexico) (Figure 21) ainsi que des codex aztèques et mayas parvenus jusqu’à nous (le codex de Florence dont on a déjà parlés, mais aussi le codex Vaticanus [114], de Cospi [115], de Dresde [116] ou de Madrid [117] entre autre).
Figure 21
Comme vous l’avez vu, cet emploi de références réelles est loin d’être anecdotique, et contribue à rendre les environnements, les lieux et les personnages crédibles, permettant de forger l’identité, unique cette saga.
VI - Héritage
Comme nous l'avons déjà vu, certains concepts de cette campagne avortée ont été utilisés par la suite et forment « l'héritage » d'Utopia dans la franchise Guild Wars. Nous en avons déjà vu certains, mais il y en a d’autres. Comme vous pouvez le constater, certaines idées ont fait du chemin, façonnant les productions des opus suivants pour les années à venir.
Les quelques assets [118] inspirés des cultures mésoaméricaines développés pour Utopia ont été réemployés pour Eye of the north, particulièrement dans les zones de la Côte ternie, attribuées au peuple asura. Ces derniers étaient d'ailleurs prévus comme peuple souterrain au vu des quelques ébauches disponibles [54:3].
Il en va de même pour les golems protecteurs de Xotecha (Figure 22) dont le concept a été modifié et étendu pour devenir les golems technomagiques [119] des asuras.
Figure 22
Les Tanneks, les ennemis de Xotecha, semble être des précurseurs des Destructeurs [120], les créatures de roches et de lave que l'on peut affronter dans Eye of the North. Ils préfigurent aussi, avec la figure du Grand destructeur [121] la menace des Dragons ancestraux.
Les Sidhes [122] un prototype de race végétale (Figure 23) développés pour Utopia sont probablement une première ébauche des Sylvaris, l'une des cinq races jouables de Guild Wars 2.
Figure 23
La profession du Chronomancien dont on a déjà parlé, deviendra une spécialisation d'élite de l'Envoûteur de Guild Wars 2 [123], dévoilée en mai 2015.
Le concept des zones persistantes, tel que décrit dans les documents à notre disposition, à visiblement aussi fait son chemin. En effet, on devine sans peine l'évolution des petites instanciées de Guild Wars aux grandes zones persistantes où se déroulent des événements dynamiques [124] faisant évoluer le monde, avec ou sans vous. Il en va de même du celui des quêtes communautaires ayant probablement inspiré celui du Monde vivant [125], tout spécialement la première saison dont le contenu était exclusif et non répétable [126].
Après être arrivés jusqu'ici, nous espérons que vous commencez à cerner l'importance de ce projet qui, bien qu'il n'ait jamais vu le jour, influença durablement la licence. Au travers de tous les éléments évoqués, tels que les nouveautés que cette campagne devait apporter, ses influences et son héritage, nous avons pu mettre en lumière toute la créativité et l'ingéniosité de ses créateurs à nous offrir à nous, joueurs, un contenu toujours plus passionnant, toujours plus immersif. Enfin, je souhaiterais personnellement remercier Historien Atis [127], avec qui j'ai collaboré pour la rédaction de cet article. Vous pourrez retrouver une vidéo réalisée en parallèle afin d'apporter un format plus facile d'accès et plus imagés. Merci à Pandraghon, sans qui rien de tout cela ne serait possible.
Notes :
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Article : Gwiki The Complete Art of Guild Wars : ArenaNet 20th Anniversary Edition (ENG) ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎
Article : guildwars2.com The Complete Art of Guild Wars ↩︎ ↩︎
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Article(s) : GW2Trivia l'Histoire d'Orr - Première partie ↩︎ ↩︎
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Lien YT : L'histoire nous le dira - La conquête espagnole vue par les Aztèques ↩︎
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Article : Gwiki The Complete Art of Guild Wars : ArenaNet 20th Anniversary Edition (ENG) ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎
Article : guildwars2.com The Complete Art of Guild Wars ↩︎ ↩︎
Article(s) : GW2Trivia l'Histoire d'Orr - Première partie ↩︎ ↩︎
Lien YT : L'histoire nous le dira - La conquête espagnole vue par les Aztèques ↩︎